Lundi

j’aime bien cette histoire du type qui a oublié de poster une lettre.
Philippe, cadre sup, la cinquantaine légère, marié, 2 enfants, quitte son travail, rejoint son véhicule et y retrouve sur le siège passager ce courrier, qu’il a promis à sa femme de poster.
Ce sera vite résolu ; une brève halte au bar-tabac pour y acheter un timbre, et il y a une boîte à lettres sur le même trottoir.
il achète donc son timbre et s’apprête à sortir de l’établissement quand  quelqu’un hèle son prénom. Il se retourne, voit celui qui l’interpelle et s’exclame :
– Incroyable ! François ! Quel bonheur ! Mais… que diable fais-tu ici ?
Philippe et François ne se sont pas revus depuis quelques années. Ils étaient ensemble, même promo, à l’ENSAM; on imagine le vécu commun et le plaisir des retrouvailles.
– Un séminaire de trois jours, on est au Mercure, à 200 mètres d’ici.
– C’est une véritable chance que je me sois arrêté ! Tu sais que j’habite à deux pas ?
– Attends, répond François avec un large sourire. Viens voir.
Là, à l’autre extrémité du comptoir, devisant joyeusement, cinq joyeux drilles, cinq visages connus, cinq solides anciens compagnons de cette même promo !
On imagine la joie des retrouvailles, et voici nos sept amis partis dans l’évocation de mille souvenirs, dans le partage des nouvelles de chacun, avec cette bonne humeur qui caractérise ce type de rencontre.
Plusieurs tournées sont servies (non que nos gadzars aient soif, mais il y a tant de toasts à porter…).
L’alcool échauffe les coeurs et nos amis décident d’arrêter ce joyeux apéritif pour se sustenter. Ils sollicitent le patron qui apprécie ces sympathiques gaillards. deux tables sont réunies, une nappe est tendue et à la fortune du pot, on trouve en cuisine de quoi satisfaire l’équipe.
Mais le patron a AUSSI une bonne cave. Quelques bouteilles en sont extraites et..
Toujours est-il qu’il est près de vingt-trois heures quand Philippe rejoint son domicile à pied (oui, il a posté la lettre) et, armé de sa clef, mène un combat sans merci contre la serrure de son appartement. Il parvient à prouver la supériorité de l’homme sur la porte, ouvre celle-ci et… Le trou noir.
Le lendemain, quand il s’éveille, sa montre indique 10h30. Il est seul, dans son lit, en pyjama. Les double rideaux à peine entrouverts bougent doucement sous le courant d’air de la fenêtre entrebâillée et sur la desserte, un petit soli flore garni d’une rose au pied duquel il y a un billet. L’écriture de son épouse. ” Mon Chéri, ton café t’attend dans la cuisine. Je t’ai pris des croissants. Je t’aime”.
Tout cela est bien étrange. Il se souvient l’état dans lequel il est rentré hier soir, sa mémoire lui fait défaut pour la suite mais quand même…
Il s’oriente donc vers la cuisine mais un bruit retient son attention dans le salon. Son fils aîné, Bruno, 17 ans .
– Bonjour Bruno. Maman n’est pas là ?
– ‘Jour Pa. Non, elle est sorti pour prendre du collyre, de la pommade et des lunettes de soleil.
– Des lunettes de soleil en automne ? Et pourquoi du collyre ?
– Eh bien, je te rappelle que tu lui as mis deux yeux au beurre noir hier quand tu es rentré.
Philippe prend l’information de plein fouet et chancèle. C’est impossible, inconcevable : il n’a pas pu lever la main sur son épouse.
Il s’assied, les jambes en coton. Comment a-t’il pu… ? Une femme si merveilleuse, si extraordinaire,  qui (lui reviennent à l’esprit la rose, le billet, les croissants), même confrontée à  la violence, veut pardonner.. Il est effondré et c’est d’une voix blanche qu’il demande :
– je ne me souviens de rien. Que s’est-il passé ?
– Maman était très inquiète et t’attendait. Soudain, tu es entré en titubant, manifestement ivre, tu as dit avec un grand sourire “Les trad’S mourront quand mourront les Gadz’Arts” et tu t’es écroulé.
Maman t’a alors emmené vers votre chambre où elle t’a enlevé ta veste, ta cravate, ta chemise et tes souliers. Puis elle a essayé de t’ôter ton pantalon mais tu résistais et quand elle y est enfin parvenu, tu es devenu furieux et tu lui as mis deux terribles coups de poing au visage en hurlant comme un démon ” Dégage de là, salope : je suis marié !!! ”

🙂

Avant d'aller dormir.

Un jour, fatigué, un diable décida de prendre sa retraite, et il entreprit de vendre ses outils aux jeunots qui  entraient dans la profession. De beaux outils, entretenus, bien affutés. Une trousse à outils complète. Rien ne manquait : la méchanceté, l’envie, la jalousie, la haine, l’avidité, la suffisance, le mépris, le cynisme, etc.

Mais l’un des outils, posé à part et manifestement plus usé que les autres intrigua un jeune démon qui le prit entre ses mains, le soupesa, et demanda :
« Qu’est-ce que cet outil  ? »
Le diable répondit : « C’est le découragement ».
L’autre insista : « Mais pourquoi vendez-vous le découragement beaucoup plus cher ? »
« C’est très simple. C’est l’outil le plus facile à enfoncer dans le cœur de quelqu’un. Et lorsque le découragement y a été introduit, il est beaucoup plus facile d’introduire tous les autres outils, quels qu’ils soient.

Empathie

Dans une ville pas très grande, il y a quelques temps, on a diagnostiqué une tumeur au cerveau chez un garçon de 15 ans.
La chimiothérapie lui a fait perdre ses cheveux, et il appréhendait beaucoup de revenir chauve au lycée.
Le regard des autres, les filles chuchotant, le montrant du doigt.
Le jour où il a repris les cours, alors qu’il approchait du lycée, il a vu un de ses copains qui arrivait, chauve lui aussi. Puis un autre. Et encore un autre.
Pour son retour, tous les élèves de sa classe s’étaient fait tondre.

Conte et préjugés

Un Prince passe en carrosse dans un village et voit une cible, percée en son centre. Puis une autre, et encore une autre.
Il descend et voit partout les preuves d’une adresse incroyable : sur les murs, sur les arbres, sur les poteaux, il y a à chaque fois la trace d’une flèche qui a frappé EXACTEMENT au centre de la cible dessinée.
Il mande aussitôt ses conseillers pour s’enquérir du tireur si habile. Quelques minutes plus tard, les voici de retour avec un gamin qui n’a pas plus de 12 ans.
– Est-ce toi le tireur d’élite ?
–  Oui.
– Comment fais-tu pour être si précis ?
– C’est très simple, répond le gamin, je tire d’abord, et je dessine la cible ensuite autour de ma flèche.

Conte

Lu pour vous.  Auteure : Hanavaho

Un jour, un homme rencontre une fée sur le bord du chemin.
Sans qu’il lui demanda rien, cette dernière lui propose d’exhausser trois de ses souhaits. L’homme réfléchit et dit :

« En guise de premier vœu,  j’aimerais avoir toute l’intelligence et la sagesse nécessaires pour choisir avec discernement mes deux prochains vœux.
– Très bien, dit la fée en agitant sa baguette magique, tu es exhaucé ! Maintenant que souhaites-tu ?

–   Plus rien, dit l’homme. Et il passe son chemin..

Le lac Bekira

 
Le sage se mit à réfléchir tout en contemplant les eaux du lac Bekira, et il réfléchit longtemps, puis s’endormit.
Il se réveilla, plus tard, et le problème qui occupait son esprit aussi. Et il réfléchit encore.
Et puis, à un moment, il eut un grand sourire. Il avait la solution !
Il se leva alors, et s’en fut vers le village en peine, qui se réjouit alors et résolut son problème.
Le sage fut vite oublié, et ceux qui s’en souvinrent eurent deux démarches différentes :
les uns se mirent à étudier la structure des eaux du lac pour expliquer sa couleur et les vents qui généraient des vaguelettes sur sa surface,
puis à synthétiser le tout pour en analyser l’incidence sur le nerf optique,
les autres vinrent y prendre un peu d’eau  dans un flacon précieux qu’il gardèrent près d’eux, et en vendirent, aussi.

Satori

Dans un petit temple perdu dans la montagne, quatre moines faisaient zazen.
Ils avaient décidé d’entreprendre une méditation profonde, une sesshin, dans le silence absolu.
Le premier soir, pendant le zazen, la bougie s’éteignit, plongeant le dojo dans l’obscurité profonde.
Le moine le plus nouveau chuchota :
– La bougie vient de s’éteindre.
Le deuxième répondit :
-Tais-toi !Tu ne dois pas parler, c’est une sesshin de silence total !
Le troisième intervint :
– Pourquoi parlez-vous , nous devons nous taire et être silencieux !"
Le quatrième, responsable de la sesshin, dit :
– Vous êtes tous stupides et mauvais. Il n’y a que moi qui n’ait pas parlé.

Conte. Qui est responsable ?

 
Taisen Deshimaru aimait raconter ce conte.
 
Deux époux se querellaient. Ils en vinrent à se battre, et un jugement fut demandé.
Lequel avait raison, le mari ou la femme ? Lequel a offensé l’autre ?
Pas de réponse.
Alors le juge fit appeler le fils, qui lui fut amené.
– Lequel des deux a commencé? C’est ton père ou c’est ta mère ? Réponds sans crainte.
Le garçon répondit :
– Je ne peux pas affirmer si c’est seulement ma mère ou si c’est seulement mon père.

Samarrâ

Un jour alors qu’il se rendait au marché de Bagdad, un serviteur entendit que la Mort le cherchait.
Il rentra précipitamment à la maison de son Maître, courut à lui et l’implora de le laisser partir pour la ville voisine
de Sâmarra, afin de s’y cacher pour que la Mort ne le trouve pas.
Le Maître était bon, et accepta.
 
Le soir, à l’heure du dîner, un coup fut frappé à la porte.
Le Maître alla ouvrir, et vit la Mort devant lui.
Celle-ci parut surprise, et demanda à voir le serviteur.
 – Il est au lit, dit le Maître, et trop faible pour recevoir un visiteur.
 – Peut-être me suis-je trompé de maison, dit la Mort. 
 Je voulais m’entretenir avec lui avant cette nuit :
   nous avons rendez-vous, à minuit, à Sâmarra.
 

les 'tites bêtes

 
Le plus impressionnant avec les systèmes de vidéo-surveillance installés dans les locaux d’intérieurs,
c’est quand il ne se passe rien.
Si les détecteurs de mouvements sont réglés à l’extrême et synchronisés avec des caméras mobiles
équipées de zoom, le spectacle est édifiant.
On peut voir, alors, ces habitants des lieux -invisibles car ils se dissimulent à l’abri de la présence
humaine avec un talent fou- apparaître.
Il s’agit la plupart du temps de cafards, ou d’araignées. Parfois, plus rarement, de petits rongeurs.
 
Les araignées sont particulièrement impressionnantes.
Elles sont pour la plupart de grande taille, survivantes magistrales d’un combat implacable permanent,
auquel s’ajoutent les multiples menaces venant des humains usagers des lieux et du personnel de nettoyage.
Elles reconnaissent l’endroit et ses imperceptibles modifications.
Ou bien elles chassent.
Car elles ne peuvent tisser. Et ne tissent pas.
Elles chassent donc en fauves et bondissent sur leur proie dès qu’elle l’ont repérée.
Leurs mouvements ont cette mécanique souple que confère la maîtrise absolue du geste,
mais pas cette approche féline, lente et mesurée, qu’on pourrait imaginer.
Sauf si la proie est de taille, auquel cas elles calculent manifestement leur angle d’attaque.
Puis elles bondissent, fulgurantes, et dévorent souvent leur victime sur place.
N’avez-vous jamais remarqué un cadavre d’insecte tout sec sur la moquette de votre bureau,
dans un coin où il n’y avait rien la veille ?
Vous aurez sans doute alors incriminé une négligence du personnel d’entretien,
sans vous demander plus avant comment cet insecte s’est arrêté là
ni comment il a pu se dessécher aussi rapidement pour n’être déjà plus qu’une carcasse chitineuse qui s’effrite…
Ne les cherchez pas.
Ce n’est même pas la peine de vouloir les empoisonner en tentant d’infiltrer quelque insecticide dans tous les
interstices que vous découvrirez.
Vous ne les aurez pas.
Car elles vous connaissent parfaitement, et vous ne les connaissez pas.
Car elles ont un entraînement permanent d’une qualité dont vous n’avez pas idée,
et ont déjà prévu ce que vous allez tenter avant même que vous ne l’envisagiez.
Elles sont là.
Que vous le vouliez, ou non.